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Le moment n’est-il pas venu de réagir ?

En été 2020, la population exprimait sa gratitude à l’égard du personnel de la santé en organisant, chaque soir, un concert de casseroles sur les balcons à travers tout le pays. A l’époque, vous étiez en première ligne pour lutter contre la pandémie en fournissant un travail extraordinaire.

Le 28 novembre 2021, l’initiative fédérale sur les soins infirmier forts a été acceptée par le peuple et les cantons à 61%, avec une participation de 65,8%. C’est encourageant, mais nous savons toutes et tous que sa mise en application prendra du temps, et risque de bénéficier à une infime partie du personnel hospitalier.

Dans l’intervalle, la situation s’est encore dégradée dans les établissements hospitaliers, au même rythme voir à un rythme accéléré par rapport à ce qui s’était passé au cours de ces dernières années. Le travail de soin est toujours rémunéré en dessous de sa valeur, alors que soigner et guérir sont des tâches nobles, qui pourtant deviennent de plus en plus difficile à assumer aujourd’hui, car les objectifs de faire des économies et générer des bénéfices impriment son emprunte partout dans la santé

La conséquence la plus manifeste, la plus pénible et le plus néfaste de ce choix, est le fait que le travail administratif à accomplir augmente sans cesse, au détriment du temps et des ressources disponibles pour prodiguer des soins. Cette évolution et les effets pervers qui en découlent touchent tout le personnel des établissements hospitaliers.

Pour se sauver elleux-même, certain.e.s collègues réagissent en allant voir ailleurs, ou en tournant le dos aux métiers de la santé. Ceci engendre un cercle vicieux, aux conséquences désastreuses pour la qualité des soins et le moral du personnel, compte tenu de la pénurie de personnel dont souffre le secteur de la santé depuis des décennies.

OR, LES COUPABLES DE CETTE SITUATION CALAMITEUSE SONT CONNUS

  1. Sous la houlette d’Alain Berset, les autorités responsables de la santé au niveau fédéral et cantonal n’ont plus qu’un seul objectif dans le viseur : freiner les « coûts » de la santé .
  2. L’introduction du système DRG (rémunération fixe des hospitalisations par diagnostics et non durée de séjour) suite à la révision de la LAMAL de 2012 dans la gestion des établissements hospitaliers suisses a transformé le personnel de santé en employé·e qui se doit d’être rentable.

Les syndicats et les associations professionnelles concernées avaient identifiés les conséquences néfastes des DRG dans la qualité des prestations des hôpitaux suisses, bien avant leurs introduction.  Un système similaire avait été introduit 10 ans plus tôt en Allemagne et avait fait des ravages. Le SSP (Syndicat des services publics) avait pris position en faveur du lancement du référendum, en cas d’acceptation de cette révision de loi par les Chambres fédérales, lors de son congrès national de 2011 (date à vérifier), malheuresement cette décision est restée lettre morte.

10 ans plus tard les craintes de l’époque sont amplement confirmées: les patient·e·s et l’ensemble du personnel hospitalier en subissent les conséquences et tout se dégrade.

Cependant, le problème n’est pas ignoré en haut lieu. Des rapports d’experts mandatés par l’Office fédérale de la santé public ont identifié une partie au moins des carences et problèmes engendrés par les DRG il y a 5 ans déja[1]. Mais ces constats n’ont eu aucun effet sur la politique fédérale de la santé publique. Celle-ci  reste soumise au principe de « la maitrise des coûts » assurée par l’intermédiaire du système des DRG.


[1] Je fais allusion ici à des rapports publiés sur le site de l’OFSP de 2017 et 2018 qui identifient certains défauts du système DRG mais dont les conséquences n’ont manifestement pas été tirés jusqu’à aujourd’hui. Mes tentatives d’intervenir auprès de l’OFSP pour en savoir plus sur ce point ont été infructueuses jusqu’à présent. 

OR, LE VÉCU DU PERSONNEL DES ÉTABLISSEMENT HOSPITALIERS LE PROUVE AU QUOTIDIEN

Ce système a complétement altéré le fonctionnement des services et les relations avec les patient·e·s. La gestion des coûts devient le maitre mot et nous parlons de plus en plus d’argent et de moins en moins des patient·e·s, à travers la multiplication des tâches administratives (pour facturer) et des contrôles. Les situations sociales complexes, non rentables, passent de plus en plus au dernier plan.

LA RÉSISTANCE COLLECTIVE ET RÉFLÉCHIE DU PERSONNEL

Se plier au diktat des règles imposées par la bureaucratie du système DRG devient chaque jour plus insupportable. 

Résister collectivement fait peur, car il est délicat de refuser de jouer le jeu dans un secteur soumis à l’impératif d’assurer le bien-être et la santé des personnes souffrantes. Des luttes collectives ont pourtant lieu. Peu médiatisées et encore rares, elles prouvent néanmoins que des victoires sont possibles par l’intermédiaire de cette voie.

L’expérience des luttes collectives a montré que les employé.e.s du secteur hospitalier qui s’engagent dans cette voie, peuvent s’appuyer sur deux autres particularités de leur secteur d’activité:

  • Des syndicats et associations professionnelles y sont actifs. Il est utile et possible d’obtenir leur soutien lorsqu’on engage une lutte collective. De plus, chaque action ponctuelle peut contribuer au développement d’une mobilisation collective de plus en plus large, à condition que des travailleurs.euses au bénéfice d’expériences de lutte réussissent à faire valoir leur point de vue au sein de ces organisations.
  • L’impact négatif de la gestion hospitalière au système DRG se répercute sur la qualité de la prise en charge des patient·e·s, induisant un risque que des patient·e·s mécontent·e·s se retournent contre les soignant·e·s. Or, lorsque le personnel engage une lutte collective, ce mécontentement des patient·e·s peut se transformer en atout et en ressource, car il lui permet de faire appel à la solidarité des patient·e·s. L’expérience prouve que si ce lien s’établit, le soutien manifesté par les patient·e·s et leurs proches constitue un apport inestimable à l’efficacité de l’action collective des salarié.e.s.

Notre conclusion : la résistance collective est une voie se doit d’être explorée. Elle est certes difficile et exigeante, mais nous en sommes convaincus : il n’y en a pas d’autre dans le contexte actuel  Réfléchissez-y ! – Contactez-nous ! – Car nous sommes disposés à réfléchir avec vous aux problèmes à résoudre pour assurer le succès et, le cas échéant, à  soutenir celles et ceux qui envisagent cette voie.

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